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Podcast : le média qui murmure à l’oreille des audiences

FUTUR

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28/04/2020

 Les podcasts chuchotent aux oreilles des auditeur.rices . Est-ce pour cette raison qu'ils ont le vent en poupe ? A titre d'exemple, en 2019, Spotify estimait à 200 % l'augmentation de ses utilisateurs et utilisatrices consommateur.rices de podcasts. Quelles sont les raisons du succès de ce média qui trouve sa place dans un paysage pourtant saturé, et qui sait instaurer un rapport de proximité propice en période de crise ?

Un média accessible et dans l'air du temps

Pour Gilles Bismuth, réalisateur et fondateur de l'agence de communication audiovisuelle enviededire,"le podcast vient enrichir le mix média de la communication interne et externe des entreprises et des marques, avec une approche budgétaire plus souple, au moins dans un premier temps, et une facilité de mise en œuvre". Précisant, au passage, qu'il ne vient non pas remplacer mais compléter l'éventail de possibilités déjà à disposition. Facilité de mise en œuvre et souplesse budgétaire : deux données non négligeables quand les entreprises revoient à la baisse les enveloppes dédiées aux différents postes de communication.

Une agilité particulièrement appréciable dans le contexte du confinement, comme le souligne également Emmanuelle Myoux. Fondatrice de Newing, elle s'est lancée dans la production de podcasts il y a maintenant deux ans : "c'est un format que l'on peut réaliser à distance. Bien sûr, il faut s'adapter, car généralement, on va à la rencontre des personnes interrogées. Mais il est possible, pour répondre aux contraintes actuelles, de le réaliser par le biais d'interviews téléphoniques."

Intéressant aussi, dans les circonstances que nous connaissons, son caractère humain, incarné."On n'a jamais autant éprouvé la nécessité de rester connecté les uns aux autres, que ce soit dans nos vies personnelles ou professionnelles. L'une des priorités pour les entreprises, à l'annonce du confinement, a été de trouver des solutions pour maintenir le lien entre les différentes équipes, qui répondent aux exigences de distanciation. Le podcast est l'un des formats qui permet cela, avec cette singularité qu'il repose sur la voix. A cet égard, c'est un support extrêmement vivant, qui laisse une place importante à la spontanéité", relève Emmanuelle Myoux. Une intuition confirmée par Sophie Palès, Déléguée Générale de l'Afci, lors d'une récente interview : "la voix est le véhicule d'un discours direct et authentique ; elle apporte (...) une intimité et une proximité très appréciées des salarié.es en situation de crise."  

Incarnation, proximité, humanisation : des mots qui reviennent fréquemment lorsqu'on interroge sur les caractéristiques du podcast. A cela, Anne-Marie de Couvreur, Présidente de Mediameeting, ajoute la précision. Dans un récent webinar "Déconfinement : Comment le podcast peut-il re-mobiliser le management", elle rappelle qu'avec un débit moyen de 200 mots/minute, l'oralité présente l'avantage de la richesse, de la rapidité et de la clarté. De précision à approfondissement, il n y a qu'un pas. Pour la fondatrice de Newing,"c'est un média du temps long, qui offre un espace privilégié au ressenti, au vécu, au témoignage, où on donne à l'auditeur la possibilité de faire des rencontres, et qui favorise l'approfondissement de certains sujets". Ce rapport au temps n'est pas sans intérêt, dans une période où il semble précisément distendu. 


Dans l'oreillette 

Le temps, encore et toujours, aussi côté récepteur. Dans une vidéo récemment publiée par le média Brut, le physicien et philosophe des sciences Etienne Klein notait que "le temps n'a pas de vitesse, puisqu'une vitesse, c'est une variation par rapport au temps. Le confinement, c'est peut-être l'occasion de reprendre un peu de maîtrise sur sa gestion du temps, non pas sur le temps même, sur lequel on n'a aucune maîtrise, mais une maîtrise de notre emploi du temps." Ne serait-ce pas là l'un des points forts du podcast, que de redonner la main à celui ou celle qui l'écoute ? "L'auditeur va pouvoir piocher et écouter un podcast pendant 3 minutes, 10 minutes... C'est lui qui choisit le moment et la durée. Il est même possible de lui proposer un podcast découpé en rubriques distinctes", remarque Gilles Bismuth. 

Retrouverait-il une part active dans l'écoute ? Emmanuelle Myoux abonde en ce sens : "Ce format laisse une disponibilité plus forte pour faire autre chose à côté. C'est un autre atout de ce média." Est-ce par qu'il laisse les autres sens disponibles à d'autres expériences ? En libérant la vue, "l'auditeur devient libre d'imaginer, ou non, l'image associée au son qui lui est proposé", répond Gilles Bismuth. Et la fondatrice de Newing de prolonger cette idée : "l'esprit peut inventer à partir de ce qui est dit. Il est quasiment sûr que d'un auditeur à l'autre, les images associées varient, un peu comme avec la lecture." 

L'imaginaire, et par extension l'imagination, est une fonction essentielle en ces temps de confinement car elle rend possible la représentation d'un objet, même absent, et de l'observer sans pour cela recourir à ses sens. Pour Aristote, l'imagination est d'ailleurs, au même titre que la sensation et l'entendement, l'une des composantes de la connaissance et la base de l'apprentissage. L'audio, en affranchissant les autres sens, offre une respiration, dans un contexte où l'on peut rapidement se sentir sursollicité.e à différents égards, et notamment dans le cadre du télétravail. Le podcast apporte un autre rythme à la relation émetteur-récepteur. 

Autre point crucial dans ces moments troubles : sa dimension rassurante. On le sait, la confiance du grand public envers les instances de toute sorte (pouvoirs publics, entreprises, médias) est au plus bas, avec des degrés dans le niveau de défiance. La radio semble toutefois légèrement épargnée par ce phénomène, pour des raisons éminemment historiques, et demeure, pour les Français.es, le média le plus crédible, selon le baromètre réalisé par Kantar pour La Croix et publié en janvier dernier. 

Cette valeur de réassurance se fonde en partie, pour Emmanuelle Myoux et Gilles Bismuth, sur la singularité même de la voix. "Actuellement, ce que les auditeurs attendent, c'est de l'authenticité. Avec le support audio, les mots ont évidemment toute leur importance mais le ton, l'intonation, les silences, la musique, les sons permettent également de véhiculer des émotions. » souligne Emmanuelle Myoux. Pour le réalisateur, "la voix va humaniser le discours d un personnage, d'un dirigeant et va permettre l'incarnation." Jusqu'à la consécration ultime ? "La plus belle marque de confiance serait que l'auditeur écoute le contenu les yeux fermés." La confiance : un atout en période de crise ; elle favorise et la réceptivité du message et la mémorisation. Qui n'a pas encore à l'esprit les discours qui ont marqué l'histoire ? L'appel du 18 juin 1940 n'est qu'un exemple parmi d'autres. 

Cette humanisation rend possible l'instauration d'une proximité, presque corporelle, comme le remarque Emmanuelle Myoux, rendue encore plus prégnante avec l'utilisation des écouteurs. Cette relation d'intimité et de complicité favorise d'autant l'adhésion et l'attachement des publics. Gilles Bismuth apprécie le caractère immersif de ce média, et plus spécifiquement lorsque le son est enrichi : 'le son, c'est 90 % de l'image : on le voit en cinéma, l'univers sonore, de la musique au sound design, ajoute une profondeur à la lecture du film. Il va soutenir, insuffler, suggérer l'imaginaire. Pour grossir le trait, on ne vivrait pas la même expérience en regardant Game of Thrones avec la bande-son de Plus belle la vie. C'est encore plus valable en podcast, et particulièrement avec les oreillettes." C'est cette capacité immersive qui va créer l'expérience auditeur à part entière. 


Vers un univers (de marque) élargi

Et justement, pour que cette expérience immersive, ou au moins auditive, soit possible, il ne faut pas perdre de vue les fondamentaux : la qualité ! "Si le son est mauvais, l'auditeur va tout simplement interrompre l'écoute", sensibilise Gilles Bismuth, qui rappelle l'importance, autant que faire se peut, de recourir à des professionnel.les. A commencer par un ingénieur du son, qui va nettoyer les respirations et les hésitations parasites, rendre l'ensemble plus homogène et ainsi, augmenter le confort d'écoute. Comme en vidéo, chaque détail a son importance : de la narration au casting. "Le storytelling est essentiel, car il permet de conduire l'audience d'un point A à un point B, de capter son attention." 

Le fondateur d'enviededire et la fondatrice de Newing s'accordent tous deux à l'évocation de l'identité sonore : "au même titre qu'on parlait d'empreinte (des marques), il y a désormais une signature vocale", d'autant plus incontournable à l'heure où les assistants vocaux s'imposent dans nos quotidiens. Il y a eu Dim, Contrex ou encore les pastilles sonores de la SNCF et jusqu'à la phrase musicale de fermeture de notre session Windows, détournée des années plus tard par Philippe Katerine. "L'identité sonore est indispensable. Les marques avaient leurs chartes graphiques et éditoriales. Désormais, elles auront, tout aussi importante, leur identité sonore", complète Emmanuelle Myoux. Les marques l'ont bien compris et sont de plus en plus nombreuses à investir ce territoire et à lancer leurs propres podcasts (Hermès, Figaret ). Ils présentent également l'avantage d'élargir leur terrain d expression à de nouvelles thématiques, périphériques à leur cœur de métier. 

Si la force du son est évidente, pour Gilles Bismuth, "nous n'en sommes qu'au stade pratique du podcast. Demain, sa dimension sera expérientielle, notamment avec le développement du binaural (méthode d'enregistrement qui reproduit la perception sonore naturelle de l'être humain, ndlr) qui permettra une véritable immersion." Si cette technologie, aussi appelée son 3D, ne s'est pas encore démocratisée, elle n'en est pas moins prometteuse. En tant de crise, et bien au-delà, le son, et par inclusion le podcast, semble donc s'imposer comme une valeur refuge. 

Merci à Gilles Bismuth, fondateur d'enviededire, et à Emmanuelle Myoux, fondatrice de NEWING.

Par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT

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